Anni Albers

« Le tissage est un artisanat ancien. Sa mécanisation ne l’a pas fondamentalement transformé, cela a simplement éloigné les tisserands de leur matériau. »

C’est ce qu’écrit, alors âgée de 25 ans, Annelise Fleischmann, la future Anni Albers, dans un numéro spécial de la revue Junge Menschen - Jeunes gens - en 1924. Ce numéro spécial est consacré au Bauhaus et Fleischmann doit y présenter l’atelier de tissage encore tout neuf du Bauhaus. Elle publie par la même occasion sans doute sa première théorie sur le tissage. Dans ce texte, elle suggère que la conception d’un textile et sa fabrication se sont éloignées l’une de l’autre. Dans la production textile industrielle, mécanisée, un motif est traité par la machine. La tête créatrice est ainsi autant éloignée de la technique et du matériau que la machine et les opérateurs le sont du développement du motif. En conséquence, Albers plaide pour associer de nouveau étroitement les différentes étapes de travail. La connaissance des matériaux et des techniques est fondamentale pour le développement d’un textile !

Cette tapisserie murale a été créée en 1926 et est visible ici sous la forme d’une reproduction datant des années 1960. À cette époque, Albers confie à son ancienne collègue du Bauhaus Gunta Stözl quelques unes de ses créations du temps du Bauhaus afin qu’elle les tisse de nouveau, les originales ayant été perdues. Le modèle d’origine de cette tenture murale, dessiné à la gouache sur du papier et annoté par Albers, est également exposé. Dans son motif, elle se concentre sur les contrastes entre le clair et l’obscur ainsi que sur l’interaction entre structures disposées horizontalement et verticalement. Des surfaces noires et blanches alternent avec des surfaces rouges. De manière ingénieuse, cette composition oscille entre répétition et variation. Ce n’est qu’en regardant plus attentivement que sa structure complexe se révèle : au premier abord aléatoire, elle est en fait conçue avec une grande précision.