Anni Albers

Dans cette œuvre textile de 1958, la grille constituée de fils de trame et de chaîne noués perpendiculairement forme la structure de base. Anni Albers utilise du coton et du lin qui apparaissent aujourd’hui dans des tons de beige et de marron. Il s’agit d’un tissu double-étoffe dont la couche inférieure, comme des recherches l’ont montré, est composé de fibres noires et blanches. Cela laisse supposer qu’à l’origine, la couche supérieure était également noire et blanche et ne se déclinait pas en nuances de brun.

Albers y élabore une composition en bandes horizontales, chacune se composant de quinze unités. Toutes les deux bandes, les fils sont entrelacés ensemble et pour partie enroulés autour de tiges en plastique. Cette technique de tissage est appelée leno ou tissage gaze. Le leno est une technique précolombienne grâce à laquelle un tissu très fin, mais aussi très robuste peut être confectionné. À l’aide de cette technique de tissage, Albers crée une structure ouverte avec de grands espaces intermédiaires, qui reste néanmoins stable. Elle fait varier chacune des quinze unités de chaque bande horizontale : parfois, quelques fils de chaîne sont entrelacés, parfois, tous sont enroulés autour d’une tige ; à certains endroits, les fils de chaîne bruns, autrefois noirs, apparaissent au-dessus, à d’autres, ce sont les beiges, autrefois blancs. Dès 1939, Albers formule la remarque suivante :

« Comme seul le matériau procure sa réalité à l’art, c’est en le façonnant que nous découvrons comment ces forces sont à l’œuvre dans toute création. »

Le titre de cette œuvre, Variations sur un thème, fait précisément référence à cette diversité d’approches dans la création. Le lien avec la musique, et plus concrètement avec Jean Sébastien Bach, dont Albers apprécie particulièrement les compositions, est ici évident. Il en va de même avec l’idée de polyphonie de Paul Klee. Une structure de base y est répétée avec des variations. Dans l’œuvre textile d’Albers, cette variation s’opère avec l‘enroulement du fil autour d’une tige ronde.

Comme dans de nombreuses œuvres textiles, Anni Albers crée ici une structure riche et captivante grâce à l’interaction entre les différents matériaux et aux variations dans la technique de tissage.