Anni Albers

Les deux œuvres réalisées sous le titre de Vicara Rug ont été créées en 1959. Anni Albers a confié la réalisation de ses créations à Inge Brouard Brown, elle-même artiste, tisserande et designeuse. Dans une interview, Brown raconte qu’elle a été payée pour moitié pour son temps de travail, pour l’autre moitié afin de recevoir des leçons de la part d’Albers, ce qui pour elle fut un excellent compromis. Pour la confection, Brown utilise de la laine et du coton, mais aussi du Vicara, une fibre issue de protéines de maïs fabriquée par la société Virginia-Carolina Chemical Corporation dans le Connecticut. Le Vicara était alors promu comme une fibre chaude comme la laine, douce comme la soie et résistante comme le coton.

À distance, ce qui apparaît d’abord, ce sont les lignes horizontales et diagonales réparties de façon régulière sur la surface. Les lignes horizontales sont un peu plus larges que les lignes diagonales. Ces lignes forment des triangles, parfois renversés, qui rappellent des pyramides ou des montagnes. De plus près, l’œuvre se dissout en petits triangles blancs. En relief, ils se détachent ainsi du fond tissé gris et sont confectionnés dans une trame formant poil. Il en résulte une sorte de relief, des nœuds tissés comme il est d’usage pour les tapis. En haut et en bas, de longues franges noires forment des bordures nettes. À propos des propriétés tactiles de ses œuvres textiles, Albers déclare :

« Nous touchons les choses pour nous assurer de leur réalité. Nous touchons les objets que nous aimons. Nous touchons les choses que nous façonnons. Nos expériences tactiles sont fondamentales. »

Albers reprend la forme triangulaire de l’architecture et des motifs textiles d’Amérique centrale et du Sud. Dans une vitrine de cette exposition, vous pouvez voir des fragments de tissus. Parmi eux se trouve un petit fragment dont le motif se compose d’une alternance de triangles plus clairs ou plus foncés recouverts de petits points. Dans les Vicara Rugs d’Albers, ce sont les fils blancs duveteux qui constituent les points qui forment les triangles.

À la fin des années 1960, Albers va reprendre la forme du triangle pour son travail au Camino Real et de nombreuses œuvres estampes.