Introduction
Partout je ne vois qu'architecture, rythmes de lignes, rythmes de surfaces.
Paul Klee (1902)
Dans toutes les phases de sa création, Paul Klee s'est intéressé, sous des angles très différents, à l'architecture. Très tôt, il reconnaît les « principes formels », l'articulation et « la précision organique » de l'art de bâtir. Comme la nature, l'architecture se base sur des lois générales de conception – celles-ci produisent un organisme vivant. Partant de ces idées, Klee nous montre des structures architecturales construites avec précision ainsi que des palais et des temples pleins de fantaisie.
Les œuvres de Paul Klee et sa pensée créatrice ont marqué de nombreux d'architectes dont beaucoup ont fait l'acquisition d'une ou plusieurs de ses œuvres. C'est Ludwig Mies van der Rohe qui possédait la collection la plus importante. Lina Bo Bardi et Aldo van Eyck acquièrent l'une des nombreuses représentations architecturales imaginaires de Klee. Une sélection de ces œuvres est présentée dans l'exposition. Carlo Scarpa avait conçu l'exposition Klee en 1948 dans le cadre de la Biennale de Venise et repris par la suite certains principes de composition de l'artiste. La génération d'architectes d'après-guerre, comme Aldo Rossi ou l'architecte suisse Lisbeth Sachs, a également commencé à se pencher sur les écrits de Klee. Ils s'intéressaient particulièrement à son mode de création, orienté vers les processus. La transformation organique des formes dans la nature devient une référence centrale pour leurs projets et remplace la rigueur orthogonale de l'architecture moderne. La fluidité des transitions entre l'intérieur et l'extérieur, entre l'architecture et la nature est également un objectif qui relie les architectes sélectionnés à Klee et à ses représentations architecturales et spatiales. Nous accordons une attention particulière aux travaux de l'architecte suisse Lisbeth Sachs, peu connue jusqu'à présent.
Lisbeth Sachs (1914 – 2002)
Lisbeth Sachs est l'une des premières femmes architectes suisses à ouvrir son propre bureau. Elle fait ses études à l'EPF de Zurich, travaille chez Alvar Alto à Helsinki peu de temps avant la fin de son cursus et, à peine diplômée, remporte en 1939 le concours pour le Kurtheater de Baden. Dialoguer avec les arts plastiques lui importe beaucoup. Elle-même peint et dessine, comme en témoignent ses nombreuses aquarelles.
On constate qu'elle se confronte à l'œuvre artistique et théorique de Paul Klee à différents moments de sa vie. Elle rédige une critique d'une exposition de Klee, possède une édition des écrits théoriques de Paul Klee ainsi qu'une de ses œuvres. Dans la création et la pensée de l'artiste elle fait la « découverte des mondes intérieurs » qu'elle souhaite rendre tangibles dans l'architecture. Ce lien entre l'architecture et la peinture est particulièrement manifeste en 1984, lorsqu'elle projette d'écrire un livre sur l'œuvre de l'architecte Frei Otto, livre qui n'a cependant jamais vu le jour : Elle voulait consacrer un chapitre entier aux relations entre le bâti et les arts plastiques. Une eau-forte de Paul Klee devait être reproduite sur la couverture et son tableau Parc près de Lu. (1938) dans l'un des chapitres du livre.
Paul Klee, Banlieue de Beride (1927), plume sur papier sur carton, Zentrum Paul Klee, Bern
Lisbeth Sachs a écrit à propos de cette œuvre : « L'aisance et l'éclat d'une architecture baignée par le clapotis de l'eau ne pourraient être évoqués en nous de manière plus dramatique, plus sensible. Ce faisant, l'œuvre de Klee tend à mobiliser et à libérer les forces de la perception et de l'imagination. Quelle découverte de richesses, intérieures et extérieures ! La découverte d'un lien de parenté entre toutes les formes de création par le biais de leur changeabilité commune et universelle ».
Kurtheater Baden, conçu en 1939, réalisé en 1952
Lisbeth Sachs crée pour le Kurtheater Baden une architecture organique qui intègre la dynamique du mouvement humain dans les différents espaces. Le foyer guide les visiteur.se.s du théâtre à travers le bâtiment en suivant des lignes courbes et naturelles. Cette dynamique spatiale est encore renforcée par la façade en verre donnant sur le parc et par l'imbrication de l'intérieur et de l'extérieur, du bâti et de la nature. Comme chez Paul Klee, on voit s'estomper les frontières entre la nature et l'artefact.
Haus Strauss à Aesch, au bord du lac de Hallwil, 1963 – 1967
Les principes testés au Kurtheater trouvent un nouveau prolongement dans la maison Strauss au bord du lac de Hallwil, avec un plan octogonal similaire et une façade à structure ouverte, grâce à l'association de matériaux naturels, trouvés ou fabriqués industriellement.
Galerie des beaux-arts de la SAFFA 1958, Zurich
Lors de la conception de la Galerie des beaux-arts de la 2ème Exposition nationale suisse pour le travail féminin (SAFFA) Lisbeth Sachs se demande quelle est la meilleure façon de se confronter à l'art. Sa réponse : libéré de « l'angle droit, propre au musée », on devrait découvrir l'art « en marchant, en flânant sur une voie libre et sinueuse ». Sachs conçoit trois pavillons ronds, reliés entre eux par des murs en béton indépendants, dont les limites extérieures ne sont pas définies par une façade, mais par des rideaux. Les frontières entre l'intérieur et l'extérieur sont complètement abolies. Le positionnement des murs en béton suit en l'occurrence la théorie de la création de Paul Klee, qui n'est publiée pour la première fois que deux ans avant l'inauguration de la SAFFA.
L'architecte Verena Fuhrimann semble également s'être penchée sur la théorie de la création plastique de Klee : le positionnement des parois d'exposition dans son pavillon « Parents et enfants » suit les mêmes principes que celui de Sachs. Au centre, un parterre de fleurs est aménagé, qui semble être une combinaison de deux esquisses de Klee.
Dans un autre pavillon de la SAFFA, les visiteurs sont accueillis par une citation de Klee.
Le pavillon d'art de la SAFFA de Lisbeth Sachs sera reconstruit et pourra être expérimenté en 2025 quand se tiendra La Biennale di Venezia, 19ème exposition internationale d'architecture.
Projet pour une maison de jeunes, Zurich, 1971/1981
Marquée par les débats autour d'un centre pour jeunes, indépendant, à Zurich (AJZ), Lisbeth Sachs conçoit en 1971, sans en avoir reçu la commande, une maison des jeunes censée flotter comme une île sur le lac de Zurich. Une aquarelle de 1958 représentant des îles au large des côtes grecques semble être à l'origine de cette idée. Le second projet, qui date de 1981, montre comment la construction s'est étirée et agrandie de quelques bras, comme un organisme vivant. Avec ses cellules ramifiées, cette forme organique rappelle l’eau-forte de Paul Klee qui, quelques années plus tard, devait illustrer la couverture du livre de Frei Otto.
Lina Bo Bardi (1914 – 1992)
L'architecte italienne Lina Bo Bardi émigre à São Paulo en 1946 avec l'historien d'art Pietro Maria Bardi. Le projet de sa « Maison de verre » est encore fortement influencé par la sobriété de l'architecture moderne européenne, mais elle va commencer à s'intéresser de près à la tradition artisanale du Brésil. De 1958 à 1964, elle vit à Salvador da Bahia, ville fortement imprégnée par la culture afro-brésilienne. Elle y admire les œuvres et les objets sobres, fabriqués à partir de matériaux simples, qu'elle expose ensuite à São Paulo. À Salvador, elle fonde le Museu de Arte Popular (musée d'art populaire). Ses projets architecturaux deviennent plus archaïques ; dans ses nouvelles constructions le bois et le béton remplacent fréquemment le verre et le métal. C'est souvent elle qui conçoit les meubles de ses bâtiments, pour le Museu de Arte ou le centre culturel SESC Pompéia à São Paulo, par exemple. L'être humain est toujours au centre de ses préoccupations. Bo Bardi n'est pas intéressée par les palais imposants, elle souhaite construire avec et pour tous, et lutter ainsi contre l'injustice sociale au Brésil.
Paul Klee, Temple taillé dans le roc (1925), dans la collection de Lina Bo Bardi
Les Bardi acquièrent le dessin Temple taillé dans le roc (1925) auprès de la galeriste suisse Suzanne Feigel. En 1951, cette dernière s'était rendue au Brésil avec 32 œuvres de Paul Klee, dans l'espoir de monter une exposition au Museu de Arte de São Paulo, dirigé par Pietro Maria Bardi – mais le projet ne put aboutir. Avec ce Temple taillé dans le roc, les Bardi choisissent un dessin de Klee qui présente des structures constituées de bandes parallèles, typiques des années Bauhaus. Dans ces œuvres, l'artiste transporte le spectateur dans un voyage vers des lieux imaginaires avec des bâtiments et des monuments mystérieux, des temples, des tombeaux et des palais. Lina Bo Bardi a peut-être été particulièrement séduite par la référence à l'architecture préhistorique de Temple taillé dans le roc.
Casa de Vidro, São Paulo, 1951
Comme le montre la Casa de Vidro (maison de verre) qu'elle a conçue, Lina Bo Bardi aimait les transitions fluides entre l'intérieur et l'extérieur, entre la nature et l'architecture. La maison se compose de grandes baies vitrées encadrées par une fine structure en acier. Elle est située sur une colline dans une zone de la ville encore très rurale à l'époque. Comme dans le Temple taillé dans le roc de Klee, l'architecture et la nature semblent former un tout organique, les frontières entre l'intérieur et l'extérieur s'estompent.
Ludwig Mies van der Rohe (1886 – 1969)
Ludwig Mies van der Rohe, considéré comme l'un des plus grands architectes du modernisme, fut le dernier directeur du Bauhaus de 1930 à 1933. C'est au Bauhaus, où Paul Klee enseigne de 1921 à 1931, que les deux hommes font connaissance en 1923. À partir de 1926, Mies van der Rohe travaille en étroite collaboration avec la designer et architecte d'intérieur allemande Lilly Reich (1885 - 1947). En 1932 et 1933, elle dirige le département de tissage et d'architecture intérieure du Bauhaus. Alors que Reich reste dans l'Allemagne nazie, Mies van der Rohe émigre aux États-Unis en 1937. En 1939, il fonde son propre bureau d'architecture à Chicago.
Il achète régulièrement des œuvres de Paul Klee, qu'il admire beaucoup, à la galerie de Katharine Kuh à Chicago ainsi qu'à la galerie Nierendorf à New York. Sa collection comporte 26 œuvres de Klee. D'après l'un de ses assistants, Mies van der Rohe aurait exprimé le souhait de construire aux États-Unis une maison avec une grande fresque murale colorée de Klee. Malheureusement, cela ne s'est pas fait.
Tout comme Klee, Mies van der Rohe cherche dans son travail à se concentrer sur l'essentiel, selon la devise : Moins, c'est plus.
L'habitat de notre temps à la Deutsche Bauausstellung de Berlin, 1931
En 1931, Ludwig Mies van der Rohe et Lilly Reich sont responsables de la section « L'habitat de notre temps » pour l'Exposition allemande du bâtiment à Berlin. Cette section comprenait une maison modèle dans la salle à manger de laquelle était accrochée l'œuvre La sortie des fantômes (1931) de Paul Klee, dont la localisation est aujourd'hui inconnue.
The Snake River Resor House Project, Wyoming, 1937 – 1939
À partir de 1937, Ludwig Mies van der Rohe travaille sur le projet d'une maison aux États-Unis pour le couple Stanley et Helen Resor, près de la rivière Snake dans les montagnes Grand Teton du Wyoming. Subjugué par la nature environnante, Mies van der Rohe réalise des collages pour montrer comment peuvent fusionner l'intérieur et l'extérieur, l'architecture et la nature. Il combine des photographies des environs avec des reproductions d'œuvres de Klee provenant de la collection d'art des Resors. L'espace n’est pas représenté en perspective. Les photographies et les reproductions d'œuvres semblent se fondre en un seul et même plan, rappelant les baies vitrées que Mies van der Rohe utilise pour relier l'extérieur et l'intérieur. Le projet architectural fait ainsi référence à certains aspects de la démarche artistique de Klee - la superposition de couches claires et foncées, noires et colorées - comme dans l'œuvre insérée, Repas bigarré (1928).
Carlo Alberto Scarpa (1906 – 1978)
Carlo Scarpa travaille plus ou moins en marge des courants contemporains et principalement en Italie. L'architecte américain Frank Lloyd Wright exerce sur lui une influence importante : « J'ai toujours admiré Mies [van der Rohe] et [Alvaro] Aalto, mais pour moi, l'œuvre de Wright a été comme un ‹ flash lumineux ›. » Il transpose dans son propre style le concept d'une architecture organique imaginé par Wright. Son respect de la nature, son admiration pour l'architecture japonaise ainsi que son approche subtile du lieu préexistant jouent un rôle central dans cette démarche. Son attention aux détails raffinés, exécutés avec des matériaux soigneusement sélectionnés et un grand savoir-faire artisanal, est une autre caractéristique de ses projets. Scarpa se penche pour la première fois sur l'œuvre de Klee en 1948 et en traduit différents aspects dans certains de ses projets.
Pavillon pour l'exposition Paul Klee, 24ème Biennale, Venise, 1948
En 1948, Scarpa conçoit pour la 24ème Biennale de Venise, dans le pavillon central, un espace consacré à une exposition Klee montrant 18 de ses œuvres. Comme dans le tableau de Klee ouvert (1933) (dans la section Bauhaus de l'exposition Kosmos Klee), il décide de rythmer l'espace avec des murs disposés de manière irrégulière.
Pavillon du livre, Giardini, 25ème Biennale, Venise, 1950
Du tableau de Klee, Livre d'images (1937), Scarpa reprend la conception d'une couverture de livre rigide et de pages « mobiles » à l'intérieur. Il construit le pavillon du livre des Giardini en deux parties : une structure rigide en béton et structure en bois, légère, dont les formes rappellent les signes du « livre d'images » de Klee.
Maison Zentner, Zurich, 1964 – 1968
Le seul bâtiment que Scarpa a construit hors d'Italie est la maison Zentner à Zurich. Le sol, composé de différentes planches de bois, peut être vu comme une réminiscence des tableaux à rayures de Klee. L'architecte semble avoir exploité pour son propre travail la manière dont Klee utilise les dispositions par strates pour créer une illusion de profondeur et d'espace sur une surface plate.
Aldo van Eyck (1918 – 1999)
L'architecte néerlandais Aldo van Eyck fait ses études à l'EPF de Zurich de 1938 à 1942. C'est là qu'il rencontre sa future épouse Hannie van Roojen, qui participera à de nombreux projets. Ils se lient d'amitié avec le couple d'historiens de l'art Carola Giedion-Welcker et Sigfried Giedion qui les initient au monde de l'art moderne, entre autres à celui de Paul Klee. Ils apprécient l'atmosphère stimulante de Zurich, où de nombreux artistes ont trouvé refuge pour échapper aux persécutions nazies. A partir de 1946, les van Eyck s'établissent à Amsterdam, où ils défendent le groupe d'artistes Cobra, contesté pour sa proximité avec l'art enfantin. Entre 1947 et 1978, ils conçoivent jusqu'à 750 aires de jeux. Comme d'autres, dont Paul Klee, Van Eyck est convaincu qu'il faut revenir aux origines de la créativité pour aller vers l'essentiel et innover en matière de création. Il s'intéresse particulièrement au processus créatif chez les enfants. Il étudie également les cultures « non européennes » en lisant et en voyageant.
Paul Klee, ville médiévale (1924), dans la collection d'Aldo van Eyck
Aldo van Eyck acquiert deux œuvres de Paul Klee en 1944. Cette année-là, il revend l'aquarelle Dans le désert (1914) ; mais le dessin ville médiévale (1924) reste accroché dans son appartement jusqu'à sa mort. Le dessin figure sur la couverture d’un numéro de la revue Forum conçu par van Eyck. Il y juxtapose la photo d'un village camerounais à la reproduction de l'œuvre de Klee, mettant ainsi en évidence un certain parallélisme. Le complexe de bureaux Tripolis, conçu par van Eyck à Amsterdam, présente également des similitudes avec les éléments encastrés d'une ville telle que la représente Klee.
En 1946, Hannie van Eyck écrit à Lily Klee pour lui demander d'acquérir le tableau Parc près de Lu. (1938), mais celui-ci n'est pas à vendre.
Orphelinat municipal, Amsterdam, 1955 – 1960
L'orphelinat municipal d'Amsterdam est le bâtiment le plus célèbre d'Aldo van Eyck. Il y associe l'architecture, l'urbanisme et la peinture moderne. Avec sa structure cellulaire sans hiérarchie, basée sur un module unique et simple, van Eyck place la mesure humaine au centre de son architecture. L'orphelinat était à la fois une maison et une ville pour les enfants. Van Eyck parvient alors à relier microcosme et macrocosme. Le bâtiment est aujourd'hui utilisé comme un espace de bureau ouvert pour un travail flexible. La disposition en carrés rappelle fortement les tableaux de Klee, appelés « images carrées ».
Installation d'Aldo van Eyck avec citation de Paul Klee, Documenta X, Kassel, 1997
En 1997, Aldo van Eyck est invité à la documenta X de Kassel pour être le commissaire d'une exposition sur son travail. Il met en exergue une citation de Paul Klee extraite de la conférence d'Iéna (1924) : « On ne peut rien précipiter. Qu'il croisse naturellement, ce grand'œuvre, qu'il pousse, et s'il lui arrive un jour de parvenir à maturité, alors tant mieux. Nous sommes encore à sa recherche. Nous en avons trouvé certaines parties, mais pas encore la totalité. Nous n'avons pas encore cette dernière force, car il manque un peuple qui nous porte. »
Aldo Rossi (1931 – 1997)
Les premiers projets de construction du designer et architecte italien Aldo Rossi, dans les années 1960, révèlent déjà les particularités de son langage formel, clair et réduit. De 1972 à 1974 et de 1976 à 1978, il enseigne à l'EPF de Zurich. Dans ses écrits, on trouve dès 1966/67 des références à l'étude de la composition telle que l'enseignait Klee au Bauhaus. Dans une note de 1974, il souligne l'importance du processus chez Klee : « Paul Klee a dit un jour que nous devrions nous intéresser davantage aux ‹ forces créatrices de formes qu'aux résultats formels ›. Cela signifie qu'à l'école, nous devons accorder plus d'importance au processus de création qu'au résultat lui-même. » Rossi voyait dans la création artistique un modèle pour une méthode de conception universellement valable.
En 1973, Rossi devient directeur du département international d'architecture de la Triennale de Milan. A cette occasion il publie Architettura razionale avec une reproduction de l'œuvre de Klee, Ville italienne (1928). La représentation de Klee lui sert d'exemple pour illustrer un certain flottement entre le rationnel et l'associatif. En 1985, il dirige la 3ème Biennale d'architecture de Venise. En tant que designer, il conçoit des meubles et des ustensiles de cuisine pour Alessi. Rossi s'engage à repenser l'architecture de l'après-guerre, réduite au fonctionnalisme. Il exige que l'on se penche sur l'histoire de l'architecture. L'apparence – l'aspect de l'architecture – était plus importante pour lui que le fonctionnalisme pur. Dans ses collages et ses projets, il associe des problèmes théoriques, des citations de l'histoire de l'art et des souvenirs personnels pour créer son propre langage visuel.
Aldo Rossi, L'Architettura della città, 1978, Padua: Marsilio Editori
Dans la deuxième édition révisée de son livre L'Architettura della città, Aldo Rossi intègre en 1978 un dessin de Paul Klee qui, à première vue, ne semble d’avoir aucun rapport avec le thème du livre. Ce dessin est l'une des dix illustrations que Klee a réalisées pour le roman Potsdamer Platz (1919/1920) de Curt Corrinth. Dans ce roman, la ville de Berlin est au centre de l'action. Dans son livre, Aldo Rossi étudie l’émergence et le développement des grandes métropoles européennes, y compris Berlin.
Projet de construction pour le Klösterliareal, Berne, 1981
En 1981, la ville de Berne lance un concours pour la réorganisation du Klösterliareal. Ce site revêt une importance particulière du point de vue de l'urbanisme et de l'histoire. Face à la pointe de la vieille ville, entre l'Untertorbrücke et le Nydeggbrücke, il constituait jusqu'au 19 ème siècle une zone de transition entre la ville et la campagne. Le mélange de bâtiments urbains et ruraux, passablement délaissés dans les années 1980, devait faire place à un nouveau complexe. Rossi propose un projet composé d'un cube en acier et de simples maisons en bois montées sur pilotis, mais ne réussit pas à convaincre le jury. La votation populaire désapprouve le projet gagnant qui ne peut être réalisé. Les bâtiments existants sont alors rénovés.